Dans le but de contribuer à l’étude d’un processus physico-chimique responsable de la dégradation des bétons, nous avons élaboré une approche multi-technique et multi-échelle dédiée à l'étude des propriétés structurales de matériaux hétérogènes. Différentes techniques ont été utilisées parmi lesquelles nous pouvons citer : La microscopie Electronique à Balayage Environnementale équipé en microanalyse X (MEBE), la Diffraction des Rayons X (DRX°, la spectroscopie d’absorption X (EXAFS et XANES) et la Résonance Magnétique Nucléaire (RMN). La corrélation entre les résultats obtenus à différentes échelles (grandes, moyennes et courtes distances) nous a permis d'avancer dans la compréhension des mécanismes de l’altération structurale d’un granulat SiO2 (silex naturel) soumis à la Réaction Alcali-Silice1 |
1La Réaction Alcali-Silice est un processus chimique complexe qui a pu être décomposé en plusieurs étapes. La première de ces étapes est l’ionisation des groupements silanols de la silice réactive par une réaction acide/base. Par cette réaction, la silice acquiert une densité surfacique de charges négatives croissante avec la force ionique de la solution et le pH. Cet excès de charges crée alors un potentiel attracteur pour les cations hydratés. Cette étape permet d’expliquer le mouvement des ions de la pâte de ciment vers granulat. Parallèlement à la neutralisation de ces sites négativement chargés, des liaisons Si-O-Si sont rompues, ouvrant davantage la structure de la silice et permettant la formation de nouveaux silanols. Ces étapes sont les seules unanimement admises au sein des spécialistes de la RAS. Force est de reconnaître que la silice du granulat réactif tient un rôle primordial au cœur de ces étapes de la RAS. La suite du déroulement de la réaction, tout comme les mécanismes responsables du gonflement des produits sont sujets à de nombreuses controverses. |
A grandes distances, les changements structuraux apparaissent par la réduction de la taille des grains et par la formation d’une phase amorphe, accompagnée d’un accroissement de la cristallinité de la phase cristallisée. Cela a permis de montrer que l’attaque se déroule préférentiellement dans les zones amorphes et/ou mal cristallisées comme en témoigne l’image MEBE (à droite) effectué sur un granulat attaqué ainsi que les diagrammes de diffraction des granulats sain et attaqué (ci-après). |
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Diagrammes de diffraction du granulat et du granulat dégradé. |
Image MEBE du granulat dégradé. |
D’après la RMN, la phase amorphe formée durant la réaction est constituée d’un mélange
de silanols et de silice amorphe. Ce produit, à la composition variable en fonction du temps de
réaction, apparaît favorable à la formation de gels de type CSH (CaO(x)SiO2(y)H2O(z)) dans le
granulat. Ce résultat semblait alors confirmer les études antérieures sur la formation de
produits à l’intérieur du granulat2. |
Spectre RMN 29Si MAS du granulat et du granulat dégradé. |
A courtes distances, la première couche de coordination autour des atomes de silicium montre un accroissement de l’ordre dans les tétraèdres. Ce phénomène pourrait être dû à la relaxation des liaisons Si-O. Ce résultat est en accord avec la présence de silice amorphe, et le phénomène pourrait être accentué par la présence de silanols. Toutefois, la deuxième couche de coordination autour du silicium demeure quasiment inchangée ce qui ne semble pas en accord avec la rupture croissante de liaisons Si-O-Si devant permettre la diffusion de cations solvatés au sein du granulat et la formation de silanols. |
Transformé de Fourier du spectre EXAFS (seuil K du silicium) du granulat et du granulat attaqué. |
Ces résultats nous ont permis de relancer la discussion sur la validité du déroulement de l’étape d’initiation de la réaction (formation des silanols). Par ailleurs, nous avons montré que le degré d’avancement de la réaction était davantage corrélé à la formation de phase amorphe qu’à celle des silanols. |
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Ayant corrélé le degré d’avancement de la réaction alcali-silice à la formation de phase amorphe (apparition d’un halo en DRX), nous avons mis au point un protocole de quantification de cette phase grâce à la méthode absolue de mesure du degré de cristallinité (mesure de l’aire de la surface du halo). Cette méthode a été retenue, après une étude comparative avec la méthode de l’étalon externe, car elle est quasiment insensible au degré de cristallinité de la phase cristallisée. Ce paramètre est d’autant plus important que les granulats utilisés dans les bétons sont constitués de silice mal cristallisée. Par ailleurs, elle a été validée sur des mélanges allotropiques de silice (silice amorphe + quartz alpha). | ![]() Ib:intensité intégrée de la bosse |